Mais que viennent faire les MOOC dans le paysage tranquille de la culture et des arts ? Leurs atouts sont nombreux et des initiatives le prouvent…
On commence à en prendre l’habitude : une grande exposition s’accompagne d’un MOOC. La tendance s’est renforcée en 2015, avec un succès certain (voir Mooc culturels : secrets de fabrication). Il était temps ! Car au niveau international, les universités de science et technologie ont adopté les MOOC depuis bien longtemps. Les départements d’art rejoignent donc le mouvement, lentement mais sûrement, et le potentiel semble immense comme le constate Quartz.com dans son bilan critique de l’offre anglophone (There’s a lot we’re not learning when we try to learn online).
Dans le monde anglophone, on peut effectivement citer de belles réussites comme Warhol (Université d’Edimbourg, Tate, près de 30 000 inscrits), ou une initiative originale en muséographie (Behind the Scenes at the 21st Century Museum, University of Leicester). Et remarquer qu’apparaissent de nouvelles plateformes dédiées à l’art et aux techniques artistiques comme Kadenze (associée à des institutions comme California Institute of the Arts, University of California, Stanford University…).
D’ailleurs, aux Etats-Unis, on se pose déjà la question : un MOOC peut-il être une oeuvre d’art ? C’est ce que pensent la Duke University et l’organisation Creative Time de New York. D’où l’organisation conjointe de Art of MOOC, à la fin de l’an dernier, animé notamment par Pedro Lasch (artiste et professeur d’art à Duke University), et Nato Thompson (curateur chez Creative Time).
En langue espagnole, on remarque parmi les MOOC récents : Joan Miro (Universitat Oberta de Catalunya), Grandes oeuvres de l’art espagnol – Renaissance et Baroque (UNED), L’art d’Amérique Latine (Universidad Tecnologica de Pereira), Esthétique et Théorie de l’Art au XVIIIème siècle (Universidad de Cadiz).
Institutions culturelles : de nouvelles raisons de s’intéresser aux MOOC
En France, la plateforme France Université Numérique (FUN), qui regroupe les MOOC des plus grands établissements d’enseignement supérieur, ne propose toujours pas de MOOC spécifiquement dédiés à l’art. On en trouve néanmoins quelques-uns, assez orientés vers l’art numérique, sur la plateforme Digital Media, de l’Ecole Professionnelle Supérieure d’Arts Graphiques de la ville de Paris (EPSAA), même s’il s’agit plus aujourd’hui d’e-learning que de MOOC. Plus généralement, une particularité française : nos MOOC culturels n’ont pas été produits par des universités, mais par des établissements patrimoniaux, soutenus par un mécène privé.
Au niveau français ou international, dans le domaine artistique et culturel, on voit bien que les réalisations actuelles n’épuisent pas les perspectives. Les MOOC appararaissent comme un nouveau média, qui reste largement à inventer ! Ou comme un nouveau dispositif de médiation, placé dans une logique transmédia globale (exposition + MOOC + ressources en ligne).
Pour une institution, un partenaire ou un mécène, il y a plusieurs bonnes raisons de s’intéresser aux MOOC :
- Prolonger une exposition dans le temps ou dans l’espace, avec des options multilingues.
- Remplacer une exposition si le contenu culturel ou patrimonial est trop précieux ou fragile, difficile ou impossible à transporter… ou tout simplement trop coûteux à exposer.
- Diffuser une expertise, une passion ou un engagement pour une oeuvre ou un domaine artistique, un courant, un thème culturel…
- Remédier à la faible fréquentation des contenus numériques des institutions muséales et patrimoniales. Nombreuses sont celles qui se plaignent du peu d’impact de leurs contenus numériques, pourtant produits à grands frais, mais finalement difficiles à mettre à jour et à promouvoir dans la durée.
- Tirer un bénéfice d’image en présentant une dimension sociale ou technologique de ses activités.
- Repérer des « ambassadeurs » et des contributeurs c’est-à-dire des participants particulièrement actifs et pertinents sur le MOOC, qui pourront relayer un message, une action, ou créer du contenu à partir de leur propre expertise.
- Promouvoir une cause, dans la mesure où les MOOC présentent à la fois des garanties de sérieux (cautions d’experts ou d’institutions académiques…), et une forte dimension interactive, voire ludique. Autant de leviers pour faire changer de regard ou de comportement. Un exemple de « cause », concernant l’art contemporain : le think tank Terra Nova fait le constat d’un recul du chiffre d’affaires des ventes publiques et d’un moindre rayonnement des créateurs français à l’international. Ce qui l’amène à faire une proposition dans son rapport « Création et marché de l’art : comment renouveler l’attractivité de la France ? » : « Un effort de sensibilisation, grâce à un MOOC dédié à l’art contemporain, pourrait être proposé au public afin de délivrer à ceux qui le souhaitent à la fois une culture générale artistique et les clefs de compréhension de la vie artistique et de ses réseaux. »
Mais il convient enfin de signaler une dernière particularité franco-française : la question des droits d’auteurs et de droits à l’image, qui fait apparaître notre législation comme trop frileuse, inscrite dans un esprit de rente à l’opposé des usages du web…
En résumé, les MOOC constituent un nouveau format muséographique, bien adapté à la découverte et à l’approfondissement. De fait, les amateurs de MOOC culturels ne sont pas des « geeks », mais des amateurs éclairés (ou souhaitant le devenir) de tous âges. A noter : un énorme potentiel du côté des jeunes, qui rechignent bien souvent à l’idée de visiter un musée.
Et vous que pensez-vous de l’usage possible des MOOC dans le champ artistique et culturel ? Dans vos commentaires, n’hésitez pas à signaler des initiatives intéressantes ou décalées. Tout reste à créer !