Comment se porte le français dans le monde ? Et comment faire pour qu’il se porte mieux ? Notre langue peut-elle devenir aussi désirable et cool que l’anglais ?
Les 14 et 15 février 2018, 400 personnes ont uni leurs efforts et leur bonne volonté pour répondre à ces questions. Cette conférence internationale prenait place dans la vaste consultation citoyenne confiée par la Présidence de la République à l’Institut Français. L’objectif est de recueillir des idées pour promouvoir l’usage du français et du plurilinguisme. Pour qu’un nombre croissant de citoyens du monde éprouvent le désir de lire, écrire et parler le français.
La conférence avait été précédée par une consultation en ligne, sur le site Mon idée pour le français. Chacun peut, jusqu’au 20 mars, y déposer ses suggestions.
Culture académique contre pop culture
En lisant les messages déposés, on est frappé par l’importance accordée aux voyages d’études inter-universitaires, à la création de bibliothèques francophones, aux publications de recherche. Franchement, est-ce ainsi que vous apprenez l’anglais, par exemple ? Certainement pas. Vous apprenez l’anglais en y étant confronté tous les jours et jusque dans votre poche, via votre téléphone. Et vous aimez ça, vous adorez chanter à tue-tête avec votre groupe préféré, suivre les séries du web en VO et truffer vos conversations de mots anglais. A quoi tient le capital sympathie de l’anglais, dont ne dispose pas le français ? A son rôle d’ambassadeur de la pop culture, alors que le français endosse toujours celui d’émissaire des belles lettres et de la culture des élites. Y compris sur le territoire national : la maîtrise de la langue (d’une certaine idée de la langue…) demeure un marqueur social de première importance.
On peut aussi regarder ce qui se passe du côté des mécanismes d’apprentissage et de l’enseignement. Les participants à la conférence l’ont souligné à plusieurs reprises : on n’entre pas dans une langue par sa grammaire, mais par sa pratique. La fonction de l’erreur a là aussi été fréquemment évoquée : je ne parle pas parce que j’ai peur de me tromper… Et si j’ai peur, c’est que l’erreur est considéré comme une faute.
Et finalement, quel est l’enjeu ? Il est économique, bien entendu, mais aussi culturel : une langue transporte avec elle une manière particulière de considérer le monde. Or, comme l’a dit Mme Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie, lors de la conférence, « Il n’y a pas une langue qui saurait tout sur tout, et d’autres langues qui ne sauraient rien sur rien« .
« Ne dites pas à ma mère que je twitte en français »…
Et le numérique, quel rôle peut-il jouer dans l’histoire ? Car il faut bien en arriver là. La domination de l’anglais a suivi le rythme d’expansion de la pop culture. Elle se renforce aujourd’hui au rythme de la digitalisation de la société. Nous n’évoluons pourtant pas dans un environnement numérique anglophone, loin s’en faut : les champions digitaux sont polyglottes. Le français tient la 4e ou la 6e place, selon les sources, des langues les plus employées sur la toile. Alors, utilisons cette formidable plasticité digitale au profit des francophones ! C’est ce que suggère Ange, de la République démocratique du Congo :
Apprendre le français avec son téléphone : une évidence
Parmi les ateliers qui accompagnaient la conférence, plusieurs touchaient à l’utilisation du numérique. Les recommandations des participants convergeaient sur plusieurs points :
- L’utilisation du smartphone comme support principal des formations en ligne. Ce qui implique de modifier les formats de cours, d’activités, de ressources.
- La création de standards communs internationaux sur la qualité des ressources pédagogiques d’une part, les niveaux de compétence et de certification d’autre part.
- Découlant logiquement du point précédent, la mise à niveau des ressources en ligne, pour assurer leur conformité avec les standards internationaux.
- La création de portails permettant d’accéder aux ressources répondant aux critères qualité, quelle que soit leur nature, leurs modalités de distribution et leur origine. Ceci, afin d’aligner les ressources produites sur une base qualitative plutôt que de visibilité et d’agressivité commerciale.
- La possibilité pour les utilisateurs de se confectionner des parcours, validés par des badges de compétences, bien plus puissants que des certificats ou des diplômes. Les badges (de type open badge de la fondation Mozilla) fonctionnent en effet sur un principe de preuve de la compétence, plutôt que de déclaration.
- La puissance de la réalité virtuelle a longuement été évoquée. L’idée est ici de substituer l’immersion virtuelle à l’immersion réelle dans un « bain linguistique et culturel », pour accélérer l’apprentissage. Pourquoi pas ? A condition de ne pas recréer un petit Paris en 3 D pour l’apprenant de Jakarta – ou de Brive la Gaillarde.
De ces ateliers et de bien d’autres, moins liés au numérique, un sentiment émerge : il est urgent de libérer l’apprentissage du français du modèle scolaire. Celui-ci ne fonctionne pas lorsqu’il s’agit d’adopter une langue au quotidien. La révolution digitale en cours dans l’éducation et la formation a déjà eu des effets sur l’apprentissage des langues. Les portails d’apprentissage linguistique collaboratifs figurent parmi les sites de formation les plus consultés. Ce n’est qu’un début, bien des nouveautés nous attendent encore en ce domaine, et nous nous y employons activement !