MOOC et E-Learning, quelles différences ?

Nous republions ici un article paru sur Thot Cursus le 15 avril dernier, qui a manifestement intéressé beaucoup de monde.

***

La semaine passée, une internaute a adressé une question à Thot sur Twitter : « Quelle différence entre MOOCs et e-learning ?« 

« Difficile de répondre en 140 caractères… » a répondu notre community manager… Voici donc la réponse, un peu plus longue.

Au sens strict du terme, le MOOC est une des modalités de l’e-learning. C’est en effet un cours distribué par la voie numérique, que les participants suivant à distance de l’organisme qui le dispense.

Mais cette réponse n’épuise pas le sujet. Au fil des années en effet, ce que l’on appelle « e-learning » ou FAD (formation à distance, qui n’est pas la traduction exacte d’e-learning mais est souvent utilisée comme telle) a acquis des caractéristiques particulières, qui ne sont pas toujours, ni dans leur totalité, identiques à celles des MOOCs.

E-learning, e-learning et e-learning

Très schématiquement, on range dans la catégorie « e-learning » trois objets / dispositifs distincts :

– Le cours en ligne fermé, distribué par un organisme de formation ou un établissement d’enseignement, destiné à un groupe d’apprenants régulièrement inscrits et ayant donc acquitté des droits d’inscription, distribué sur une plateforme (Learning Management System ou LMS), dispensé seul ou dans le cadre d’un parcours de formation, diplômant ou pas. Ce cours est généralement animé par un enseignant ou un tuteur qui assure la communication avec les participants et peut aussi animer des temps de formation en direct (appelés « synchrones »). Il comprend des ressources de contenus (ie : la partie « cours »), des activités d’apprentissage (ie : des exercices à faire, des épreuves d’évaluation…) et un espace d’interaction (généralement un forum) qui permet aux participants d’interagir entre eux et avec les animateurs du cours.

Exemples :

La formation à distance à l’Université Laval (Québec) : http://www.distance.ulaval.ca/cms/site/distance

La formation à distance à l’Université Paris 3 Sorbonne nouvelle : http://www.univ-paris3.fr/l-enseignement-a-distance-69132.kjsp?RH=1273088547234

L’e-learning chez Demos formation : http://www.demos.fr/fr/e-learning/Pages/default.aspx

– Le cours en ligne ouvert, distribué par un organisme de formation ou un établissement d’enseignement, destiné à tous ceux qui veulent s’autoformer sur un sujet qui les intéresse, généralement distribué sur une plateforme, non diplômant. Ce cours n’est pas tutoré, l’apprenant doit suivre son parcours seul. A côté des ressources de « cours » proprement dites, on trouve dans ces cours quelques exercices à correction automatique tels que des quiz, qui permettent à l’apprenant d’évaluer sa compréhension. Ces cours ouverts ne comprennent généralement pas d’espace d’interaction, puisqu’ils ne sont pas suivis par des groupes constitués, mais par des personnes qui les suivent à titre individuelle, quand bon leur semble. Ils ne comprennent pas non plus de temps de formation synchrones.

Exemples :

« Libres savoirs », les cours en ligne ouverts de Paris Tech : http://graduateschool.paristech.org/

« La négociation : les enseignements du jeu de l’ultimatum ». Module de cours en économie gestion proposé par Emmanuel Petit, Université Montesquieu Bordeaux IV, site de l’Aunege : http://ressources.aunege.fr/nuxeo/site/esupversions/df5eba31-cdc5-4f18-9785-2440dcb8a9d2/co/RESS4_web.html

– Les ressources d’apprentissage organisées en bibliothèque ou répertoire, mises à disposition d’individus, dans une optique d’autoformation. Chaque personne ayant accès à la bibliothèque choisit ses ressources, elle les combine et les utilise pour parfaire ses connaissances dans un domaine ou un autre. Dans cette catégorie, on trouve des objets très divers : des tutoriels vidéos, des supports de cours écrits, des cours filmés… Parfois aussi, des exercices autocorrectifs, à combiner par l’apprenant avec les contenus. On peut considérer ces ressources d’auto-apprentissage comme des ressources « brutes », qui doivent être habillées et complétées par des activités et des moments d’interaction pour se transformer en cours.

Exemples :

Lesite.tv, ressources pédagogiques audiovisuelles, France télévision – Ministère Education nationale : http://www.lesite.tv/

« Amélioration du français » : capsules linguistiques sur le site du CCDMD, Québec : http://www.ccdmd.qc.ca/fr/capsules/

Ces trois catégories ne suffisent pas à exposer les différentes facettes de l’e-learning, notamment parce que l’e-learning se mêle de plus en plus aujourd’hui avec des cours en présence dans ce que l’on appelle des parcours hybrides. Mais elles permettent de planter le décor dans lequel sont apparus les MOOCs.

Les MOOCs, enfants des cours ouverts et des cours fermés

Les MOOCs constituent une nouvelle modalité d’e-learning, qui empruntent leurs caractéristiques à la fois aux cours ouverts et aux cours fermés décrits plus haut.

Fondamentalement, ce sont des parcours de formation combinant des ressources de cours, des activités facilitant la mémorisation et l’apprentissage et un espace d’interaction entre participants.

Comme tout cours ouvert, toute personne souhaitant le suivre peut s’y inscrire et en sortir, librement. La participation à un MOOC, comme à tout cours en ligne ouvert, est gratuite. Aujourd’hui, on voit apparaître des certifications payantes dans les MOOCs, qui ne remettent pas en question le principe fondamental d’accès libre et gratuit au parcours d’apprentissage proposé.

Mais comme les cours fermés qui restent largement majoritaires dans le monde de l’e-learning, les MOOCs sont distribués sur un temps limité, avec une date de début et une date de fin. Ce faisant, ils s’adressent à des groupes, les participants qui se retrouvent à un moment donné pour suivre le même cours et dont les membres vont donc interagir entre eux. Stephen Downes, l’un des fondateurs des MOOCs, souligne la dimension événementielle des MOOCs : au même moment et à ce moment-là seulement, des personnes se retrouvent pour faire la même chose. Bien sûr, l’événement peut se reproduire plusieurs fois dans l’année. Et certains MOOCs en sont à leur deuxième ou troisième distribution. C’est le cas par exemple du MOOC de Gestion de projet de Rémi Bachelet et l’Ecole centrale de Lille, qui en est à sa troisième édition. Mais chaque édition fonctionne comme un événement indépendant des autres.

Massifs, et ça change tout

Bien entendu, ce qui distingue radicalement les MOOCs des autres cours en ligne fermés, c’est le nombre de participants. 1000, 10 000 ou même 100 000 personnes peuvent s’inscrire à un MOOC. Ce qui ne veut pas dire que 1000, 10 000 ou 100 000 personnes vont assimiler les contenus, réaliser les activités d’apprentissage et interagir. Mais ce qui signifie malgré tout qu’il est impossible d’activer le même dispositif d’encadrement et d’animation que dans un cours en ligne fermé ordinaire. Ce qui a conduit nombre d’établissements distribuant des MOOCs à se contenter d’un dispositif pédagogique très simple, pour ne pas dire élémentaires : un dispositif automatisé basé sur la diffusion d’interventions filmées de l’enseignant et quelques quiz d’autoévaluation, le tout étant complété par un forum permettant aux participants d’interagir, sans que ces interactions soient intégrées par les concepteurs aux activités d’apprentissage -et ce, alors même que les participants y déploient énormément d’habiletés et d’énergie pour s’entraider.

L’entrée de l’éducation dans la culture et l’économie numériques

Fort heureusement, les MOOCs ne constituent pas une entité monolithique. Ils changent vite. Et leurs créateurs se rapprochent des spécialistes de l’e-learning, qui disposent d’une expertise de plus de 20 ans sur les différents moyens de stimuler l’engagement des participants, de les accompagner dans leurs apprentissages, de valoriser leur autonomie d’apprenants adultes capables de construire des savoirs et savoir-faire entre pairs. Tout le défi est bien sûr d’adapter cette expertise à de très grands groupes composés d’individus libres d’aller et de venir comme bon leur semble dans le cours. Force est de constater qu’actuellement, la plupart des concepteurs de MOOCs en français restent plutôt frileux sur l’expérimentation pédagogique, même si de belles exceptions sont à saluer.

Annuaire des MOOCs en français : http://mooc-francophone.com/

« Le Digital, vivons-le ensemble », MOOC fondé sur le social learning : http://www.solerni.org

Pour conclure, disons que les MOOCs font entrer l’e-learning dans l’ère de la culture et de l’économie numériques. L’éducation doit désormais composer à la fois  avec les très grands groupes et la liberté individuelle, en même temps. Le MOOC dans sa forme actuelle n’est qu’une amorce d’adaptation des dispositifs de formation en ligne. Bien malin qui peut dire à quoi ils ressembleront dans 3 ans…

Eléments pour poursuivre la réflexion :

Vaufrey, Christine. « MOOCs, la nouvelle télé éducative. » Les blogs Educpros.fr. 4 février 2014. http://blog.educpros.fr/christine-vaufrey/2014/02/04/moocs-la-nouvelle-tele-educative/.

Buchel, Bernard. « MOOC : faut être un hypermarché de la formation pour avoir une chance d’être collaboratif. » Expériences MOOC. 19 novembre 2013. http://bernardbuchel.blogspot.fr/2013/11/mooc-faut-etre-un-hypermarche-de-la.html.

Duriez, Frédéric. « Concilier pédagogie et massif. » Didac2b’s Blog. 3 janvier 2014. http://didac2b.wordpress.com/2014/01/03/pedagogie-et-massif/.

Cormier, Dave. « MOOCs as a Gathering Place. » Sloan-C eLearning Landscape. 11 février 2014. http://blog.sloanconsortium.org/2014/02/11/moocs-as-a-gathering-place/.

Diaz, Michel. « Les MOOC au carrefour de l’innovation pédagogique. » e-learning letter – actualité & stratégies e-learning. 14 mars 2014. http://www.e-learning-letter.com/info_article/m/654/les-mooc-au-carrefour-de-l-innovation-pedagogique.html.

Illustration : IlonkaTallina via photopin cc

Sur le même sujet :