Pour la première fois en France, une expérimentation pédagogique s’est organisée, dans un collège, autour d’un objet culturel singulier : le MOOC Picasso. Elle s’est déroulée en septembre 2015, au collège de Vallauris – petite ville où Picasso a vécu et produit de nombreuses céramiques. L’objectif était de proposer à 26 élèves de suivre le MOOC, pendant quelques heures, puis de faire un bilan de l’expérience.

Dialogue avec les enseignants du collège de Vallauris

Autant le dire tout de suite, avant d’entrer dans le récit détaillé de cette expérimentation : élèves et enseignants ont beaucoup apprécié ce « format » éducatif ! De quoi donner des idées ambitieuses à tous les acteurs des domaines culturels et pédagogiques qui souhaitent atteindre le public, visiblement très ouvert, des collégiens de France !

Dans le dialogue qui va suivre, nous nous sommes entretenus avec les enseignants du collège de Vallauris qui ont mené l’expérience.

Comment est né ce projet pédagogique ?

Marie-Pierre Rapine, principale du collège : Tout a commencé par un dialogue entre Mme Michelle Salucki, maire de Vallauris, et M. Lavagna, d’Orange. Suite à quoi celui-ci m’a proposé de venir me présenter le MOOC Picasso pendant l’été 2015. J’ai été intéressée par le côté innovant de cette proposition. Et notamment par rapport au fait qu’il s’agit, d’une part, d’un collège – alors que les MOOC concernent souvent les universités et parfois les lycées – et, d’autre part, situé dans un Réseau d’Education Prioritaire – type d’établissement qui est rarement sollicité pour ce type de projet innovant.

Philippe Paquier, principal-adjoint du collège : Les conditions de départ n’étaient pourtant pas idéales : une rentrée scolaire s’anticipe au moins une année avant. Les dates d’ouverture du MOOC étant fixées, c’était un challenge de constituer rapidement un comité de pilotage, une équipe pédagogique composée de volontaires et, bien sûr, d’inscrire le MOOC dans une démarche pédagogique de projet. Le comité de pilotage a été celui de la matière « Histoire des arts », qui est une épreuve orale obligatoire pour les élèves au niveau du Brevet des collèges.

Comment s’est déroulée la découverte du MOOC par les élèves ?

M. Lercier, professeur documentaliste : La présentation du projet aux élèves a duré environ 1 h. Le projet était présenté comme obligatoire et faisant partie du cursus. Les enseignants ont insisté sur le côté innovant et sur le fait que la classe allait être une vitrine du collège – les élèves ont semblé réceptifs à ces arguments. Ensuite, les 26 élèves ont passé individuellement 8 heures sur la plateforme, soit 4 sessions de 2 h (une durée de cours à laquelle ils sont habitués). Ils sont tous allés jusqu’au bout. Aucun d’eux ne savait ce qu’était un MOOC mais ils n’ont eu que des difficultés minimes pour s’approprier l’outil.

 

Des élèves autonomes et sécurisés par les parcours proposés

vallauris2Les élèves ont-ils apprécié le format pédagogique du MOOC ?

Marie-Pierre Rapine : Ils ont surtout apprécié de ne pas être focalisés sur un exercice mais de pouvoir faire des recherches, des quiz, de choisir parmi des activités diversifiées. De façon générale, le support informatique a tendance à les captiver. Ce qui était appréciable et rassurant pour eux, c’est qu’ils étaient guidés dans leurs recherches, par le MOOC lui-même, et pas noyés dans l’énorme quantité d’informations d’Internet.

Philippe Paquier : Les élèves se sont véritablement approprié l’outil. Pour eux, cela représentait presque un défi : nous n’avons pas eu besoin de les pousser et nous n’avons pas eu à constater de démotivation.

Quels ont été les points négatifs, ou à améliorer dans l’apprentissage ?

Mme Ferraina, professeur d’arts plastiques : Le seul problème rencontré était technique, et lié au débit Internet dont dispose le collège. Du coup, nous avons dû organiser des sessions communes pour regarder chaque vidéo. Cela a un peu perturbé les sessions individuelles où chacun pouvait aller à son rythme, mais il n’y a pas eu de réactions de rejet.

 

Une motivation au top !

M. Lercier, professeur documentaliste : Malgré le nombre de problèmes techniques survenus au moment des vidéos, et qui auraient pu être très décourageants, les élèves n’ont pas décroché. Pourtant certains étaient contraints de voir les vidéos à un moment qui n’était pas optimal dans leur propre parcours. En résumé, paradoxalement, le point positif c’est qu’il n’y a pas eu de point négatif de la part des élèves ! Nous n’avons pas eu besoin de les motiver ou de leur mettre la pression. Ils se sont vraiment pris au jeu, alors qu’ils auraient pu faire le dos rond, en faire un minimum.

Comment expliquez-vous la bonne motivation de vos élèves ?

Mme Ferraina, professeur d’arts plastiques: Il y avait une forme d’enjeu pour eux. Ils se disaient qu’ils devaient passer par telle et telle étape avant d’arriver au quiz, par exemple. Chacun était devant un poste mais regardait le résultat qu’avait eu l’autre. Il y avait une forte émulation entre eux : « tu as eu combien ? tu t’es trompé à tel endroit, ce n’était pas ça la réponse ! ». Il y avait le jeu supplémentaire de savoir qui a répondu quoi, quelle médaille a été obtenue, avec combien de points, etc. Pourtant, ce ne sont pas forcément les élèves accros aux jeux vidéos qui se sont le plus passionnés.

 

« Une action à mettre en place dès l’entrée au collège, et même plus tôt »

vallauris1En quoi les MOOC culturels sont-ils prometteurs pour des élèves de collège, et notamment en REP ?

Mme Ferraina, professeur d’arts plastiques : J’ai trouvé intéressant qu’ils puissent aller à leur rythme et non à celui fixé par le professeur. Ils ont la possibilité de faire des arrêts sur image, de revenir en arrière, de relire un texte. Dans ce genre de MOOC, les choses sont faites par rapport à leur propre temps de compréhension.

Marie-Pierre Rapine : En tant que chef d’établissement, je suis désormais convaincue que ce type d’action devrait voir le jour auprès de nos élèves bien plus tôt. L’arrivée au lycée me semble être un moment bien tardif. Cette culture du numérique, de l’échange numérique, doit se faire très tôt au niveau scolaire. Dès l’entrée au collège mais aussi plus tôt : pourquoi pas ?

Je trouve dommage qu’on attende qu’il y ait des contenus intellectuels ou culturels déjà « implantés » dans la tête de nos élèves, avant de développer ce type d’action. Je pense que « défricher et planter » beaucoup plus tôt, grâce à ce type de formule, permettrait très certainement d’obtenir à moyen et long terme des résultats extrêmement convaincants. Car les élèves – gardons-le en mémoire – sont tous intelligents et ont tous la possibilité de réussir dans un cadre comme celui-là.

 

Du MOOC aux visites réelle et virtuelle

Pendant qu’ils suivaient le MOOC, les élèves sont bien sûr allés visiter le musée Picasso de Vallauris ! Ils nous ont promis de réaliser une vidéo sur cette expérience, devenant à leur tour des producteurs de contenus, comme un nombre significatif des adeptes du MOOC Picasso. Par ailleurs, ils ont bénéficié d’une visite virtuelle de l’exposition Picasso.mania au Grande Palais. L’opération a été relayée sur le site de l’Académie de Nice et sur les réseaux sociaux.

Les MOOC semblent donc, de l’avis des enseignants et des élèves, des dispositifs adaptés au milieu scolaire, susceptibles de satisfaire le besoin d’autonomie et la curiosité des jeunes, de tous les jeunes. Etes-vous prêts à parier que l’on verra bientôt de nouvelles opérations du même genre ?

Photos : Françoise Fernandes, Orange.

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