Formation Scénariser un MOOC à Tunis : les étudiants d’abord

Du 11 au 13 mars, nous avons animé  un atelier de trois jours consacré à la scénarisation d’un MOOC. Cet atelier avait été commandé par l’AUF / IFIC, dans le cadre d’un programme complet de formation  des enseignants à la conception et à la distribution de MOOC.
L’atelier Scénariser un MOOC  constitue le premier d’une série de cinq, les suivants étant consacrés à l’animation du MOOC, la réalisation des vidéos et l’utilisation d’edX. 27 personnes y ont participé, tous enseignants universitaires ou conseillers pédagogiques.
L’objectif de ces ateliers est non seulement de permettre aux personnes qui souhaitent créer des MOOC d’acquérir de nouvelles compétences, mais aussi de les transformer en « ambassadeurs », susceptibles de former à leur tour leurs collègues, dans leurs établissements. A l’issue de l’atelier, nous avons donc remis aux participants le scénario pédagogique, les supports de présentation du formateur et les documents à distribuer aux stagiaires.  A charge pour eux d’adapter tout ce matériel à leurs propres contexte et priorités. Thomas et moi ne nous sommes d’ailleurs pas privé de donner l’exemple à ce niveau, en supprimant certaines parties et en en ajoutant de nouvelles. La formation, c’est vivant !

Nous avons notamment passé un temps significatif sur la conception des activités d’apprentissage, encore trop souvent oubliées ou sous-estimées dans les MOOC. Comme s’il suffisait d’être exposé aux connaissances pour apprendre… Je le dis souvent : suivre un MOOC, ce n’est pas comme regarder la télé. On apprend en faisant, même quand on ne peut pas appliquer directement les savoir-faire dont il est question dans le cours. Par exemple, si vous suivez un MOOC sur l’écotourisme (ce n’est pas une blague : regardez le teaser ici : http://www.dailymotion.com/video/x2h34zs), vous n’avez pas besoin de vous précipiter pour ouvrir un gîte ou valoriser la filière fromage de chèvre dans votre région. Mais vous devez, impérativement, réaliser des activités qui vont mettre en mouvement vos capacités de réflexion, association, abstraction, rédaction, etc. pour vous approprier les connaissances nouvelles ou plutôt, les intégrer à ce que vous savez déjà.


Des SPOC pour nos étudiants


Dans le groupe de participants à cet atelier, trois personnes étaient déjà engagées dans la création de MOOC. L’une d’entre elles avait même déjà distribué un premier MOOC de comptabilité générale, pour ses étudiants de première année. Et ce cas n’était pas isolé, loin de là : pour nos collègues du Maghreb, la priorité est de faire évoluer l’enseignement à leurs propres étudiants, avant éventuellement d’ouvrir leurs cours à un public plus large. C’est là une grande différence avec les MOOC tels qu’ils sont majoritairement conçus dans les universités européennes ou nord-américaines, qui s’adressent d’abord au « grand public ». C’est aussi ce qu’encourage l’AUF dans son programme de formation aux MOOC, comme nous le soulignions déjà lors de la rencontre inaugurale consacrée à ce sujet, en mai 2014. Il s’agit donc plus de créer des SPOC (avec plusieurs centaines de participants attendus, des étudiants de premier cycle en majorité) que des MOOC, en conservant les particularités du « massif » : simplification des fonctionnalités, autonomie accrue des apprenants, médiatisation de la transmission des connaissances, animation de groupe. A cela, on ajoutera la possibilité d’un accompagnement plus individualisé que dans nos MOOC grand public, par exemple en organisant des rencontres en présentiel (ce qu’a fait notre collègue avec son SPOC de comptabilité, pour rassurer et encadrer ses jeunes étudiants encore peu autonomes dans leurs apprentissages) ou en organisant un tutorat en ligne à la demande. Si les SPOC semblent actuellement bénéficier de toutes les faveurs des entreprises en France et ailleurs, on ne peut qu’encourager leur exploitation en contexte de formation initiale dans les universités et écoles supérieures. Ce qui permettrait d’installer solidement cette modalité d’apprentissage et d’enseignement au coeur de l’institution universitaire, en toute légitimité.


La vidéo, cauchemar des concepteurs de MOOC


A côté de la valorisation du groupe (animation collective, valorisation de l’entraide et de l’apprentissage social…), le second changement important apporté part le format MOOC tient donc à la médiatisation de la transmission des connaissances. Dans cet atelier, la réalisation des vidéos de cours occupait une large partie des conversations. Là encore, les retours d’expérience furent précieux : pas facile de parler face au gros oeil noir de la caméra plutôt que face à une classe; pas facile de s’exprimer sans regarder ses notes; pas facile enfin de ne pas se laisser aller aux digressions dans lesquelles nous exprimons notre singularité, au-delà du contenu lui-même, pour respecter les formats courts en vigueur dans les MOOC. Les problèmes techniques conduisent parfois à bouleverser complètement les plans de tournage, à déménager le studio en catastrophe, et à réenregistrer ce qui avait demandé tant de peine… Et tout cela coûte très cher, pèse lourdement sur le budget du MOOC.
Ce qui nous a conduit à explorer des voies alternatives de médiatisation, en nous attachant à la valeur éducative finale du produit : finalement, le jeu en vaut-il toujours la chandelle ? En quoi l’image d’un enseignant pas toujours très à l’aise, qui explique en quelques minutes des notions parfois complexes, constitue t-il une plus-value pour l’apprenant ? Certes, l’incarnation des savoirs reste essentielle; mais ne peut-on imaginer d’autres formats de vidéos, de manière à diversifier l’expérience d’apprentissage et à soulager les enseignants et les équipes techniques ? A ce niveau, l’expérience des participants les plus « bricoleurs », ayant déjà acquis un certain niveau d’autonomie dans la manipulation des outils de médiatisation, nous fut précieuse. Nous avons par exemple regardé avec une grande attention les capsules vidéos  réalisées par Anna Vetter sur la scénarisation des cours à distance, disponibles sur YouTube : ce genre de produit a toute sa place dans un MOOC ou un SPOC. Même les vieux diaporamas peuvent reprendre de la vigueur et de l’intérêt si on y adjoint de l’image, des résumés et des mots-clés, comme le permet par exemple l’outils (payant) Momindum. Si vous êtes en panne d’inspiration au niveau des outils de médiatisation simples et efficaces, regardez donc ce qu’utilise François Jourde, par exemple Tellagami, outil avec lequel ses élèves réalisent des synthèses en philosophie !
La figure de l’enseignant quant à elle peut parfaitement s’incarner dans de courtes vidéos « fil rouge » placées au début de chaque séquence. On y trouvera un discours plus libre, une adresse plus directe aux apprenants, que dans les vidéos de transmission de contenus. Et bien sûr, la présence des enseignants dans les espaces de discussion et d’activités d’apprentissage est essentielle, capitale, incontournable. Nous retrouvons ici la figure de l’enseignant accompagnateur / facilitateur plus que transmetteur de savoirs, figure largement valorisée dans le discours sur l’utilisation des TIC en enseignement mais encore singulièrement absente de la majorité des MOOC.
Bref, l’heure est à la diversification ! Diversification des publics des MOOC et SPOC, avec un retour vers les étudiants; diversification des médias, des objets vidéos et de leur complémentarité avec les autres (nous avons beaucoup parlé du son, des fichiers MP3 légers et si faciles à transporter…); diversification des modes de distribution aussi, puisque le MOOC permanent, comme on commence à en voir çà et là, semble avoir un nombre croissant d’adeptes…
Ces ateliers de 3 jours encouragent la créativité et le cheminement personnel des participants comme des formateurs. Nous apprenons tous beaucoup, car nous avons le temps de faire évoluer nos réflexions et représentations, nourries par l’échange d’expériences. A l’issue de nos trois jours, beaucoup avaient eu le sentiment d’avoir avancé sur le chemin des MOOC. Tout le monde n’avait pas parcouru la même distance, ne s’était pas arrêté aux mêmes endroits, mais chacun est reparti avec plus qu’il n’avait dans son sac en arrivant.  Une expérience proche, somme toute, de celle que nous proposons aux participants aux cours massifs qui, en toute souveraineté et autonomie, se nourrissent de ce qu’ils estiment bon pour eux…

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