Nous abordons l’année qui commence avec de beaux projets de Mooc culturels et l’envie dévorante d’expérimenter de nouvelles formes de médiation. L’enthousiasme et la confiance sont au rendez-vous, nourris des expériences qui s’achèvent. Mais au fait, comment crée t-on un Mooc culturel ?

Des artisans pour des Mooc culturels uniques

Tout bon projet se construit sur la base d’une méthodologie rigoureuse… et d’une ouverture à l’inattendu. Tout bon projet se construit aussi sur la synergie des acteurs en présence : experts de contenus, techniciens, pédagogues, représentants des commanditaires, communicants… Tous sont indispensables et en interaction constante. Le dialogue est le maître mot de la réussite du projet, des premières réunions exploratoires jusqu’au bilan final. Le rythme soutenu des interactions fédère les acteurs en présence, l’équipe se crée. Elle est coordonnée par un chef de projet qui joue un rôle absolument capital, a les yeux et les oreilles partout, pour tenir la ligne qui a été fixée par le groupe.

Les trois Mooc culturels – Impressionnisme, Picasso, Louis XIV à Versailles –  réalisés en 2014-2015 sous l’impulsion d’Orange et d’institutions prestigieuses (Réunion des Musées Nationaux et Château de Versailles) n’auraient pu voir le jour sans cette synergie, tant le challenge était grand : seuls Mooc culturels réalisés par des acteurs non-universitaires, ils devaient s’imposer dans un paysage largement dominé par les acteurs académiques et ceux de la formation professionnelle. Il a fallu surprendre, faire entendre une autre musique, en misant sur les moyens et compétences propres au groupe réuni.

Très loin de l’aspiration à la standardisation visible chez certains des concepteurs de Mooc, c’est la posture de l’artisan réalisant des pièces uniques qui a ici été adoptée. Ce  choix relève bien sûr du goût du travail bien fait, de la qualité plus que de la quantité. Il s’impose encore plus dès lors qu’il s’agit d’encourager l’enrichissement culturel, qui nous concerne tous : les experts de contenu ont bien entendu joué un rôle fondamental, mais chacun entretenait aussi un rapport personnel avec les thèmes abordés. Picasso, Monet, Louis XIV sont devenus des biens communs qui parlent à tous.

Faire dialoguer narration et apprentissage

Ces trois Mooc étaient adossés à des expositions qui renforçaient la dimension événementielle propre à des cours bénéficiant de leur propre tempo. Ceci dit, il n’était pas question de répéter ou, pire, d’imiter dans l’espace digital ce que  les expositions in situ offrent à leurs visiteurs. Il a donc fallu à la fois trouver une ligne narrative spécifique et fixer l’axe majeur d’apprentissage proposé aux participants.

L’objectif était de provoquer chez les participants le désir de suivre le parcours le plus longtemps possible, et de s’y engager (ce n’est pas la même chose !). Nous avons par conséquent cherché à proposer une aventure stimulante à la fois pour ceux qui se positionnent comme spectateurs (piquer leur curiosité, leur fournir des éléments d’information inattendus, varier les formes, rythmer la narration…) et pour ceux, moins nombreux mais beaucoup plus productifs et visibles, qui souhaitent véritablement apprendre, transformer les informations en connaissances. Un soin égal a été apporté à l’élaboration des vidéos originales réalisées par des professionnels aguerris, et au choix des ressources complémentaires, dont la sélection nécessite une solide connaissance des sujets abordés. Cette sélection est réalisée à la fois par les experts de contenus et l’équipe de scénarisation pédagogique.

Dans les Mooc culturels plus encore que dans les autres, les activités pédagogiques jouent un rôle essentiel car, répétons-le, il s’agit de faire culture commune, d’interroger la relation que chacun entretient avec les œuvres et l’histoire d’une part, et la manière dont nous dialoguons les uns avec les autres autour de ces objets d’autre part. Plus globalement, n’oublions pas que l’apprentissage est un processus dynamique qui s’appuie sur l’action. Les activités pédagogiques sont conçues en fonction du thème de la séquence et de l’objectif d’apprentissage qui lui est propre. Adeptes du gai savoir, nous veillons à ne jamais être ennuyeux ou routiniers ! Cela passe par des activités variées, courtes, et la stimulation de l’interaction. Sur ce dernier point, l’injonction ne suffit pas ; l’interaction fait partie intégrante de l’activité.

L’implication des intégrateurs

Cette longue phase de préparation aboutit à la production d’une maquette et de produits médias originaux qui sont alors intégrés sur la plateforme de cours. Là encore, le dialogue avec les techniciens réalisant cette opération s’avère crucial. Les trois Mooc évoqués ont été distribués sur Solerni, la plateforme d’Orange. En première ligne lors de l’intégration et tout au long de la distribution du cours, les intégrateurs ont toujours été à l’écoute de nos demandes et interrogations, ne ménageant pas leur peine pour traduire nos aspirations, nous expliquer ce qui était possible et ce qui ne l’était pas, et faciliter l’engagement des participants. Le dialogue n’a pas été uniquement fonctionnel. Il s’est enrichi de réflexions partagées sur l’objet-même du cours (l’actualité des thématiques abordées étant particulièrement riche) et sur les stratégies à construire ensemble pour stimuler la productivité des participants.

L’animation du Mooc, étape cruciale

Et puis, vient le moment de la distribution. Un œil rivé sur le compteur d’inscriptions, l’autre sur le forum « Faisons connaissance ». Le chiffre et la lettre, la quantité et le sens. Il y a plus d’inscrits silencieux que de personnes osant prendre la parole, mais plus de mots que de chiffres. Très vite, les premières contributions aux activités. Émerveillements permanents devant la créativité et la culture des participants. Ils sont bons, nous espérons tous qu’ils ne vont pas être déçus. Les mooqueurs versaillais s’éclatent avec les devinettes sur les membres de la famille royale de France. Les explorateurs de Picasso s’offrent des œuvres et font une orgie de bleu. Ça marche !

Pour que ça marche le plus longtemps possible, toute une équipe d’animation est mobilisée. Il est très étonnant que certains concepteurs de Mooc considèrent encore l’animation comme un luxe, une sorte de cerise sur le gâteau du cours. Nous préférons considérer l’animation comme le levain qui fera gonfler le cours… Les animateurs (animatrices, pour les Mooc de cette année) partent à la rencontre du groupe et de chacun, en s’appuyant sur un plan construit collectivement. Ils entretiennent la conversation, questionnent, poussent les participants à dépasser leur réflexion initiale, à structurer leurs contributions. Ils apportent des contenus (essentiel d’avoir de bons connaisseurs du sujet abordé parmi les animateurs), trient l’information en relation avec le Mooc, réalisent des synthèses, rassurent, plaisantent…

Chaque semaine, le coordinateur anime une réunion pour faire le point sur les événements de la semaine passée et fixer les priorités de celle qui arrive. Collecte patiente de verbatims, partage enthousiaste des plus frappants. Le temps passe, les rangs des participants productifs sont de moins en moins denses. Mais tant de matériel a été produit, tant de belles choses offertes à la communauté ! Les participants ont créé au moins 10 fois plus de contenu qu’il ne leur en avait été proposé initialement. Impossible de laisser tout cela mourir ! Il a donc été décidé de créer des objets numériques pour valoriser cette créativité : créer du sens encore une fois, donner à voir ce qu’est capable de faire une communauté d’apprenants. Padlet, Prezi, Pinterest, Tumblr, Shorthand, Coggle… Ont été mobilisés pour créer ces objets. Le Mooc sort de ses frontières et essaime sur la toile ! Nous reviendrons plus longuement sur ces objets de valorisation dans un prochain article.

Il faut donc tout un village pour préparer un Mooc, et une ville de bonne taille pour le faire vivre. Nous préparons actuellement les Mooc culturels qui verront le jour en 2016. Nous souhaitons poursuivre sur le chemin de l’art, et explorer d’autres formes de culture : le spectacle vivant, la citoyenneté, les sciences… Autant d’éléments qui fondent ce qui nous relie, sur lesquels grandit le plaisir de vivre ensemble. Car c’est bien là ce qui nous meut : relier, vivre pleinement, nous sentir membre de la communauté qui chaque jour se transforme et transforme notre patrimoine culturel. Alors, prêts à embarquer ?

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